En 1963, la signature par le général de Gaulle et par Konrad Adenauer du traité de I'EIysée représente un acte politique symbolique. L'hostilité héréditaire entre les deux peuples appartient désormais au passé et laisse place à une importante coopération.
Avec la signature de ce traité, le chemin vers l'entente actuelle a été long, à peine pensable il y a quelques années encore que l’Allemagne et la France se soient autrefois combattues.
Vers la fin d’une inimitié ancestrale...
Avant l'unité de l'Allemagne en 1871, c'est la France qui fait Peur aux Allemands : pendant le règne du Roi-Soleil au XVIIéme siècle, la France a repoussé ses frontières loin à l'est. Puis, en 1806, Napoléon brise le Saint Empire Romain Germanique, et annexe des régions éloignées du territoire allemand.
La défaite de l'armée française a Sedan le 2 septembre 1870, qui entraîne la fondation du Reich par Otto von Bismarck, apparaît pour beaucoup d'Allemands comme un miracle. Dans le Reich de Bismarck, l’anniversaire de Sedan est la seule fête nationale. Désormais, la France se montre profondément inquiète de la supériorité de l'Allemagne unie.
Ce n’est qu'après deux guerres mondiales que les deux pays sont mûrs pour une coopération. La première pierre est posée par le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman et le chancelier allemand Konrad Adenauer, qui, en 1951, mettent en place le pool charbon-acier qui donne naissance la Communauté européenne du Charbon et de l’acier (CECA) et jettent les bases du projet d'une Communauté européenne de Défense, la CED, projet qui échouera.
Partisan actif de la réconciliation franco-allemande, Adenauer accélère la politique de rapprochement franco-allemand. Mais il faudra attendre 1963, sous la présidence du général de Gaulle, pour qu'un véritable tournant soit amorcé. Dans une a Europe des patries de l'Atlantique à l’Oural, l'Allemagne sera le partenaire privilégié de la France, et la France acceptera une Allemagne unie « jusqu'à l'Oder et la Neisse », selon la perspective à long terme du traité franco-allemand, envisagée par Charles de Gaulle.
«Il n'est pas un homme dans le monde qui ne mesure l'importance capitale de cet acte.»
Le traité de l’Elysée, pour l’Europe de demain...
C´est dans la cathédrale de Reims que le 22 janvier 1963 les deux hommes d'Etat scellent aux yeux du monde entier la réconciliation de leurs peuples pour le bonheur de l‘Europe. Le traité ne comporte aucune clause de rupture, signe que la coopération doit impliquer la durée et concerne tous les domaines de la politique : les Communautés européennes. le marché commun. les relations Est-Ouest, la défense.
Avant la prise de décisions portant sur les intérêts de chacun des États, Allemands et Français doivent se consulter, afin de parvenir à une politique commune. L'office de la jeunesse franco-allemand doit rassembler la jeunesse des deux pays. Entre-temps, la coopération entre la France et l'Allemagne est devenue une réalité en dépit de quelques divergences d'opinion occasionnelles.
Lors de la signature, le président de Gaulle prononce une courte allocution : « C'est d'un cœur et d'un esprit profondément satisfaits, dit-il, que moi-même et M. le Premier Ministre et M. le Ministre des Affaires étrangères venons de signer avec M. le Chancelier de la République fédérale d'Allemagne et M. le Ministre fédéral des Affaires étrangères le traité de coopération franco-allemand. Il n'est pas un homme dans le monde qui ne mesure l'importance capitale de cet acte, non pas seulement parce qu'il tourne la page après une si longue et si sanglante histoire de luttes et de combats, mais aussi parce qu'il ouvre toutes grandes les portes d'un avenir nouveau pour la France, pour l'Allemagne, pour l'Europe et par conséquent pour le monde tout entier. »
Le chancelier Adenauer lui répond : « Vous avez exprimé les sentiments de tous ceux qui, du côté français et du côté allemand ont participé à cette œuvre de façon si parfaite. Je n'ai rien à ajouter: chacune de vos paroles correspondent à nos espoirs. »
Dans une « déclaration commune » accompagnant le Traité, ils réaffirment leur conviction que « la réconciliation du peuple allemand et du peuple français, mettant fin à une rivalité séculaire, constitue un évènement historique qui transforme profondément les relations entre les deux peuples ».
Une politique de piliers et d’opposition...
La vision des relations franco-allemandes, du point de vue du Général de Gaulle peut être visualisée en se référant à son discours de Bonn, prononcé le 4 septembre 1962 : « Le rapprochement amical de nos deux pays est sans conteste l'un des événements les plus importants et éclatants de tous ceux que l'Europe et le monde ont vécus au long des siècles. D'autant plus que cette union, vers laquelle tendent l'Allemagne et la France, c'est afin d'agir ensemble que toutes deux commencent à la bâtir. »
De Gaulle, partisan d‘une politique d’équilibre, redoute qu’un rapprochement américano-soviétique s’effectue aux dépens de la France et, qu'en outre, se réalise un partenariat à la Kennedy dans lequel cette dernière devrait soumettre sa puissance atomique au contrôle des Américains. ce qu'il juge inacceptable. C‘est aussi pour cette raison que de Gaulle refuse l'entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE, qui, selon lui, aurait porté préjudice au rôle prééminent que la France y tient. Mais cette politique de refus de tout compromis menace d'isoler la France à l'intérieur de l‘Alliance occidentale et le chancelier allemand vient donc à point pour le tirer de cette situation.
Le Chancelier Adenauer, se méfie aussi de la politique étrangère de président américain John Kennedy sur Berlin-Ouest. En effet, une politique internationale pour l'accès à Berlin-Ouest telle que ce dernier l’a proposée aux Russes, aurait donné à la RDA des moyens de pression, continuant ainsi à affaiblir le statut des quatre puissances occupantes. Et au-delà, la politique de Kennedy menace la politique du Chancelier Adenauer qui veut harmoniser les obligations de la RFA et les efforts de réunification.
La France et la RFA sont assez puissantes pour s‘opposer a la politique du président américain. Tel est l‘arrière-plan de ce traité : à savoir que l'Alliance atlantique est dans une situation difficile. On n'en vient pas cependant à l'épreuve de force, tous les pays de l'Europe de l’Ouest soutenant les États-Unis dans le conflit qui les oppose en 1962 a l'Union soviétique au sujet des fusées stationnées à Cuba.
Le général de Gaulle voit dans l‘alliance franco-allemande un pilier de sa politique étrangère et il espère vivement qu'un jour vienne ou I'Europe se détachera des États-Unis. Mais aucun homme politique de la RFA n'en a ni le pouvoir ni l'envie. La modeste puissance atomique de la France - la force de frappe - n'offre pas à la RFA une force de substitution a la protection atomique des Américains : du point de vue allemand, I’Alliance atlantique sous le leadership américain est aussi vitale que la coopération avec la France.