En Mai 1968, « Il est interdit d’interdire », retour sur cette période de mouvement de contestation, lancé à Paris par les étudiants, et qui va toucher bientôt d'autres couches de la société, entraînant une grève générale et des affrontements qui dureront près d‘un mois.
Des étudiants, à la rue...
Dès le début de l'année 68, des étudiants de Nanterre 1, sous la conduite de Daniel Cohn-Bendit demandent une réforme radicale de l'université, n’hésitant pas à utiliser grèves et manifestations. Après que le gouvernement eut fermé l'université de Nanterre, des rassemblements de solidarité à Paris provoquent des heurts violents entre la police et les étudiants. Le ministre de l'Éducation nationale. Alain Peyrefitte, ordonne alors la fermeture de la Sorbonne, ce qui est une première dans l'histoire de cette université vieille de plus de 700 ans.
S‘ensuivent des marches de protestation et des affrontements de rues. Le 6 mai, plus de 3000 policiers encerclent quelque 5000 étudiants au Quartier latin et les attaquent en lançant des grenades lacrymogènes. Les images des interventions des forces de l'ordre et des étudiants blessés et molestes entraînent des réactions de protestation dans la population française qui, toutefois, ne se solidarise pas avec les manifestants. Les troubles passent de la capitale à plusieurs villes de province : Dijon, Lyon, Nantes, Rennes et Strasbourg.
Daniel Cohn-Bendit, leader autoproclamé de la contestation revient sur sa vision des événements : « Ils avaient peur, non pas des barricades, non pas du désordre, mais de la force de l'idée que des gens veulent vivre dans une société qui ne ressemble en rien à la société dans laquelle ils nous obligent de vivre, nous obligeaient de vivre et nous obligent toujours de vivre. »
« Mai-68 n’aura aucun lendemain, mais il a de l’avenir! »
Vers une convergence des luttes...
La révolte qui au début est le fait des seuls étudiants, s'étend à d‘autres couches de la population; les syndicats appellent à la grève générale, tentant de lier à leur avantage leurs revendications à celles des étudiants. Beaucoup de Français expriment ainsi leur mécontentement envers la politique du gouvernement et la nouvelle situation économique. Les syndicats demandent une augmentation des salaires et une réduction du temps du travail. Mais le rapprochement ouvriers-étudiants se fait mal, même si, à la mi-mai, plus de deux millions de salariés sont en grève.
Face à cette situation, l'opposition demande la démission du gouvernement dirigé par le Premier ministre Georges Pompidou. Certains comme Pierre Mendès France se proposent même de le remplacer. Mais la motion de censure est rejetée. De Gaulle réagit vivement au cours d'un conseil des ministres et déclare de façon lapidaire : « Des réformes, oui, la chienlit. non! »
Le 21 mai, la France est paralysée.
La France à l’arrêt, mais l’enlisement du mouvement…
La télévision est en grève, ainsi que les fonctionnaires des services publics de transports, de la poste et de la voirie. On estime à 10 millions le nombre d‘employés qui ont alors cessé Ieur travail. Beaucoup de familles stockent des denrées alimentaires, l'essence se fait rare. Le 24 mai, de Gaulle propose sans convaincre, un référendum. Le 29 mai, dans le plus grand secret, il se rend à Baden- Baden consulté le général Massu sur l'attitude de l'armée.
Patronat et syndicats signent un encart qui débouche sur une large acceptation des revendications syndicales. Mais l'accord est refusé par de nombreux ouvriers. Pourtant la lassitude gagne les grévistes et le mouvement de protestation commence à s'effriter. Georges Pompidou mène avec les syndicats les négociations de Grenelle, accédant a la plupart de leurs demandes, notamment a de substantielles augmentations de salaire.
Le 30 mai, il dissout l'Assemblée et le même jour, une gigantesque manifestation de soutien à sa politique réunit plus d‘un demi-million de personnes sur l'avenue des Champs-Élysèes. Mai 1968 est terminé. Les gaullistes gagnent largement les élections du 30 juin, obtenant la majorité absolue. Les partis de gauche, qui avaient demandé le départ de de Gaulle, perdent en revanche la moitié de leur électorat.
« Au-delà de la grève ouvrière, Mai 1968 est un mouvement de libération des mœurs, de la culture, de la parole, de la sexualité, de la critique de l’autorité »
50 ans après l’héritage de mai 68 toujours disputé…
Aujourd’hui en 2018, peut-on parler d’héritage de Mai 68 ? 50 ans après, l'héritage de Mai 68 est toujours disputé, mais selon un récent sondage, 79% des Français jugent que ces événements ont eu des conséquences positives.
Pour le sociologue François Dubet « Au-delà de la grève ouvrière, Mai 1968 est un mouvement de libération des mœurs, de la culture, de la parole, de la sexualité, de la critique de l’autorité ». Mai 68 fut pour Bourdieu un moment où fut suspendue l'adhésion à l'ordre établi. La découverte de l'arbitraire, qui fondait l'ordre établi, provoque un moment inouï, où les hommes prennent conscience de cet arbitraire et décident d'en sortir, ou du moins de le suspendre.
Pour Daniel Cohn-Bendit, Mai 68 peut s’analyser « Par sa forme, c'est le premier mouvement moderne des sociétés industrielles avancées et dans son expression, c'est la dernière révolte révolutionnaire du passé. Les deux aspects sont mélangés. Je crois que 1968 a fondamentalement annoncé toutes les révoltes qui poussent vers l'autonomie, la société civile des individus, et la transformation complète de la société. Et ce que mai 68 a engendré : le mouvement écologiste, le mouvement des femmes, la sensibilité anti-totalitaire ».