Article co-écrit avec Magalie HERAL
C’est le Vendredi 13 octobre 1307, par une froide matinée d’automne, dans un Paris encore engourdi de sommeil, que se produit à la demande du roi de France Philippe Le Bel, la plus vaste arrestation de tous les temps de l’ordre des moines guerriers, les Templiers.
En effet, c’est sur ordre et acte de Philippe IV Le Bel, petit-fils du Roi Saint Louis, plusieurs milliers de membres de l’Ordre du Temple sont arrêtés sous l’inculpation d’hérésie, d’idolâtrie et autres accusations. Cet acte juridique arbitraire, sonne le glas de l’ordre militaire, religieux et financier le plus puissant au monde ; un ordre de moines-soldats qui, durant deux siècles, a assuré la sauvegarde des lieux saints en Terre Sainte, et s’est attiré la jalousie des puissants par leur richesse et leur puissance.
La genèse de l’Ordre du Temple, des moines-soldats au blanc manteau
L’Ordre du Temple doit sa naissance, après la Première Croisade, à un chevalier champenois nommé Hugues de Payns en 1119. Celui-ci, désirant protéger les pèlerins qui se rendaient Jérusalem, parvient à créer cette élite d’hommes voués à la prière mais portant l’épée pour la protection des chrétiens et des lieux Saints, comme il le rappelle dans une lettre à destination de ses frères d’armes : « Aux soldats du Christ qui, par leur religieux comportement dans le Temple de Jérusalem, s’appliquent avec ferveur à leur sanctification… ».
« Non nobis, Domine, sed Tua nomine da glariam »
(Non pour nous Seigneur, non pour nous mais pour la gloire de Ton nom)
Officialisé par Bernard de Clairveaux, lors du Concile de Troyes neuf ans plus tard, les chevaliers au blanc manteau frappé de la croix rouge, entrent dans l’histoire.
C’est dans une lettre De lande novae militiae, que le Chanoine de Cluny justifie la mission des Templiers sera expliquée au monde chrétien par cette règle : « Non nobis, Domine, sed Tua nomine da glariam » (Non pour nous Seigneur, non pour nous mais pour la gloire de Ton nom), citation de l’incipit du Psaume 115 engageant les frères du Temple à faire preuve d’humilité. Ainsi, leurs bases se multiplient en Europe mais aussi en Orient, et l’édifice d’une de leurs maisons sur les ruines du temple de Salomon, leur donnera le nom de Templiers.
La notoriété des moines guerriers dure deux siècles durant lesquels ils se dispersent à travers leurs terres pour assurer la défense des chrétiens et du tombeau du Christ. Une image idéalisée qui essai de susciter des vocations car l’Ordre du Temple aura lourdement payé son tribut du sang dans les combats.
Et malgré l’incompétence du dernier maitre de l’Ordre, Gérard de Ridefort lors de tragique bataille d’Hattin en 1187, les templiers demeurent auréolés de leur prestige, jusqu’à la mort de Saint Louis devant Tunis en 1270.
Le repli sur l’Europe vers une reconversion des Templiers…
La perte des dernières possessions franques en Orient marque la fin de leur existence lors de la chute de saint Jean d’Acre en mai 1291 ; ce désastre assure la mainmise des lieux saints par les musulmans et malgré la défense héroïque du grand-maître Guillaume de Beaujeu, les templiers se replient sur Chypre.
Ayant complètement perdu de vue leur principale mission, les moines-soldats, possédant de nombreuses commanderies en Europe et de donations, se reconvertissent en usuriers, gèrent les biens de l’Eglise et de nombreux rois occidentaux (Philippe le Bel, Jean sans Terre, Henri III, Jaime Ier d'Aragon.) Leur rôle commence alors à être remis en question dans les esprits, aussi bien chez les peuples que chez les rois.
Dans un lettre de 1304, le Roi de France donne des marques de reconnaissance en faveur de l’Ordre du Temple : « Les œuvres de piété et de miséricorde, la libéralité magnifique qu’exerce dans le monde entier et en tout temps le saint ordre du Temple, divinement institué depuis de longues années, son courage […] nous déterminent justement […] à donner des marques d’une faveur spéciale à l’ordre et aux chevaliers pour lesquels nous avons une sincère prédilection. »
Alors, Philippe Le Bel et le Pape Clément V, ont une vision unique concernant la reconquête des territoires chrétiens en Orient : fusionner l’Ordre du Temple et des Hospitaliers, ordres rivaux mais qui pourraient s’unir afin de préparer une nouvelle croisade. Deux ordres militaires aguerris et disciplinés pouvaient relever ce défi, avec à sa tête, Louis, roi de Navarre, fils ainé de Philippe Le Bel ; un projet qui demanda plusieurs conciles en 1307, mais qui sera refusé simplement par le grand maitre du Temple Jacques de Molay. La possibilité d’unir les deux ordres militaires est anéantie, et dès lors, une pluie de malveillance et de calomnies s’abat sur l’Ordre.
L’Ordre fort certes, mais la volonté du Roi gagne…
Après ce refus d’unification, le Roi Philippe Le Bel décrit les Templiers en ces termes peu flatteur : « Cette engeance comparable aux bêtes privées de raison, que dis-je ? dépassant la brutalité des bêtes elles-mêmes […] commet les crimes les plus abominables. Elle a abandonné son Créateur, sacrifié aux démons. »
Se sentant visés par ces rumeurs acides, le grand maitre en personne, Jacques de Molay demande une enquête au roi, qui frustré par le refus de celui-ci, la lui accorde. Mais pour son malheur, elle aboutira à la destruction finale de l’Ordre.
Prenant les devants et voyant les choses traînés en longueur, Philippe Le Bel, sans en référer au Pape, ordonne l’arrestation de tous les Templiers de France en ce matin du vendredi 13 octobre 1307 par le biais de Guillaume de Nogaret, Garde des Sceaux du Roi, comme le précise le Registre du Trésor des Chartes : « L’an 1307 le 22 septembre, les sceaux furent confiés au seigneur Guillaume de Nogaret ; on traita ce jour-là de l’arrestation des Templiers. » Les Templiers sont interrogés, torturés, certains brûlés vifs, déclenchant des confessions des plus extravagantes (hérésie, sorcellerie, sodomie,…), confirmant les soupçons qui s’attachaient à eux. Le Pape Clément V à son tour, ordonne l’arrestation des Templiers dans tous les états de la chrétienté.
Comme la précisé Voltaire en son temps : « Si tant de témoins ont déposé contre les Templiers, il y eut aussi beaucoup de témoignages étrangers en faveur de l'ordre. », cela ne changea en rien le destin funeste qui attendait l’Ordre, car de toujours la Justice du Roi aura raison de tous.
« Les corps sont au roi de France, mais les âmes sont à Dieu ! »
Un Bûcher, pour la Fin de l’Ordre …
En 1312, Philippe Le Bel ordonne simplement la destruction de l’Ordre lors du Concile de Vienne par Clément V. La fameuse bulle « Vox in excelso » prononce définitivement la dissolution de l’Ordre du Temple, fait exceptionnel car jusqu’à présent, aucun ordre religieux n’avait été supprimé. Les biens des templiers sont remis aux Hospitaliers, et à d’autres ordres militaires locaux. Par cet acte, le Roi de France entendait surtout signifier qu’elle ne suivrait que son intérêt politique, et cesserait de se comporter en vassale de l’Eglise.
Jacques de Molay, dernier grand maitre de l’Ordre du Temple, ayant laissé passer l’occasion de réformer son ordre, meurt après un procès inique, sept ans de prison et de tortures. Le 19 mars 1314, il est brûlé vif sur l’île de la cité aux cotés de Geoffroy de Charnay, le commandeur de Normandie. L’écrivain Maurice Druon dans ses « rois maudits », parlera de la malédiction proférée par Jacques de Molay dans les flammes, citant à comparaitre au tribunal de Dieu les principaux instigateurs de leur fin. Hasard, fatalité ou destinée, Philippe Le Bel, Clément V et Nogarret, mourront tous avant la fin de l’année.
Sur le bûcher dans l’îlot aux Juifs, les Templiers dans un dernier cri lancent : « Les corps sont au roi de France, mais les âmes sont à Dieu ! »
Maintenant, vous connaissez l’origine désastreuse qui s’accole au vendredi 13, une date à jamais maudite à travers les siècles qui marqua la fin de l’ordre militaire, religieux et financier le plus puissant qui soit : l’Ordre des Templiers.
Faits authentiques ou non, les templiers et leurs trésors disparus, continuent à hanter des chercheurs, des historiens, des romanciers et des passionnés. Et si le bûcher de l’île de la cité a réduit en cendres les derniers représentants de l’Ordre du Temple, il a embrasé les esprits, qui au fil des siècles, continuent à visiter les commanderies templières, et à s’interroger sur un ordre si puissant qui s’acheva tragiquement.