La secte des assassins ou plus couramment nommé les Haschischins, nom donné aux ismaëliens de Syrie par leurs ennemis, et désignant les consommateurs de haschich. Néanmoins, les enjeux religieux et politiques de la montée en puissance de la secte des assassins, au XIe siècle de notre ère sont une histoire réelle, bien différente du mythe.
Si le terme assassin provient de l'italien assassino, assessino, lui-même emprunté à l'arabe hashishiyyin, selon The Oxford English Dictionary, le terme assassin se définit comme « une personne qui entreprend d’en tuer une autre par la violence et ou la traîtrise ». Le mythe des assassins commence quelques décennies après l’effondrement de l’ordre grâce aux récits de Marco Polo. La Secte des Assassins implantait en Perse, fit trembler Croisés et Mongols, de Saladin à Richard Cœur de Lion., s’en prirent à comme à. Une véritable légende noire, naquit autour des Haschischins par leurs méthodes criminelles, naquit et existe encore aujourd’hui.
La Genèse de la Secte des Haschischins …
L’origine est liée à une légende rapportée par Marco Polo, aux alentours de 1090, Hassan ibn al-Sabbah fonde une secte chiite ismaélienne appelée les Nizârites ou plus couramment nommé les Haschischins, ou comme Hassan aimait appeler ses adeptes "Assassiyoun" qui vient de la langue persane qui signifie ceux qui sont « fidèles aux fondements de la foi ». À la fin du Xe siècle, alors que le califat fatimide est fortement affaibli et fragmenté, à la mort du calife al-Mustansir Billâh, de nouvelles puissances émergentes dans diverses régions de l’immense empire islamique. Suite à la guerre de succession, une scission au sein de la communauté ismaélienne ce créé conduisant à l’émergence de la minorité nizârites sous l’égide du fils ainé du défunt calife, Nizâr.
Marco Polo, nous rapporte : « Il avait un jardin clos entre deux montagnes, le plus grand et le plus beau qu'on ait jamais vu au monde, avec les fruits les plus délicieux, des maisons et des palais les plus splendides, tout pleins d'or et de peintures. Il courait dans ce jardin des rivières de vin, de lait, de miel et d'eau » [1] , lieu interdit aux initiés de la secte, jardin luxuriant peuplé de très belles jeunes femmes, des vierges pour la plupart, appelée Houris [2] « plein de belles femmes pour le plaisir. Les plus belles dames et demoiselles du monde y jouaient de tous instruments et y chantaient à merveille. C'était un plaisir de les voir danser. » [3] Hassan ibn al-Sabbah fait appeler à sa cour des jeunes gens de la région, de douze ans environ, qui rêvent de devenir chevaliers. Il leur raconte l'histoire du Paradis de Mahomet, et les enfants le croient, comme le croient tous les musulmans du monde. Les initiés suivent alors une formation leur apprenant à se battre avec plusieurs types d’armes, les langues, les sciences et les mathématiques, ainsi que des cours de religion, qui se rapproche de la manipulation idéologique.
Les deux meilleurs des jeunes de chaque promotion sont récompensés en accédant au jardin du Paradis, Hassan leur fait boire un breuvage somnifère et une fois endormis, les faits déposés dans le jardin. « Les dames et les demoiselles leur font sans cesse des douceurs. » [4] Au matin, les incrédules sont alors rendus à leur terne quotidien, Hassan leur dit alors que s’ils meurent pour la bonne cause, ils les renverront immédiatement au Paradis, convaincus, les jeunes initiés deviennent alors totalement désinhibés de leur peur de la mort. Les initiés-adeptes font ainsi de parfaits tueurs agissant tels des commandos-suicide. Ses affidés étaient prêts à tous les sacrifices pour leur maître, si bien qu'en quelques années, les assassinats politiques se succédèrent.
Entre mythes et réalités, les assassins ...
L'ordre d’Hassan ibn al-Sabbah[5]devient le plus craint et le plus sanguinaire de tout l'Orient et ce dernier étendit peu à peu ses possessions, pillant au départ, les caravanes. Gare à celui qui découvrait une dague sous son oreiller, symbole du tribunal secret et annonce que l'Assassin s'apprêtait à frapper ; il était assuré de connaître une mort prochaine.
La légende raconte qu’une ambassade croisée est envoyée à la forteresse d’Alamut[6] , afin de tenter de vérifier la légende, Hassan les reçut et accède à leur faire une démonstration, il fait ainsi appeler deux initiés, demande au premier de courir vers l’un des murs fortifiés surplombant un ravin et de sauter dans le vide. Alors que ce dernier court, Hassan demande au deuxième de sortir son poignard et de se poignarder. Le premier arrive au sommet et saute sans un cri et le second s’enfonce le couteau dans le ventre avec un sourire béat sur le visage.
L'ordre des Assassins devint invincible en semant la terreur et décrit lui-même sa philosophie, par les paroles de son maître : « Il ne suffit pas de tuer nos ennemis, nous ne sommes pas des meurtriers, mais des exécuteurs, nous devons agir en public, pour l’exemple. Nous tuons un homme, nous en terrorisons cent mille. Cependant, il ne suffit pas d’exécuter et de terroriser, il faut aussi savoir mourir, car si en tuant nous décourageons nos ennemis d’entreprendre quoi que ce soit contre nous, en mourant de la façon la plus courageuse, nous forçons l’admiration de la foule. Et de cette foule, des hommes sortiront pour se joindre à nous. Mourir, est plus important que tuer. Nous tuons pour nous défendre, nous mourrons pour convertir ; pour conquérir. Conquérir est un but, se défendre n’est qu’un moyen. Vous n’êtes pas faits pour ce monde, mais pour l’autre. »[7]
Quand Djélaleddin envoya un ambassadeur à Hassan pour qu’il eût à lui rendre hommage, celui-ci dit à un de ses fidèles : « Tue-toi » ; à un autre « Jette-toi par la fenêtre », et ils obéirent sans réplique. Ils sont soixante-dix mille, ajouta-t-il, également prêts à obéir à mon premier signe. Les chroniqueurs ont raconté que le neveu de Richard Coeur de Lion, Henri de Champagne7, s'étant rendu dans un bastion des Assassins pour négocier un traité, fut ébranlé par une scène incroyable. Sur chacune des tours dont le château était couronné, se tenaient deux blancs en sentinelle ; le Sire fit signe à deux d’entre eux, et ils tombèrent brisés au pied du comte épouvanté, à qui le Vieux de la Montagne disait froidement : « Pour peu que vous le désiriez, à un autre signe de moi, vous allez les voir tous à terre » 8. Lorsque son hôte prit congé de lui, il lui entendit prononcer ces mots : « Si vous avez quelques ennemis, faites le moi savoir, et il ne vous tourmentera plus » 9. Pour prouver la loyauté de son armée, le chef de la citadelle ordonna à plusieurs de ses hommes de se jeter, l'un après l'autre, par-dessus les remparts, ce qu'ils firent ; l'un d'eux par fanatisme et dévouement aveugle se trancha la gorge devant le croisé.
Les sources historiques fiables – arabes pour la plupart – permettant de conter la véritable histoire des Assassins, sont très rares. Nous connaissons surtout l’histoire des nizârites chiites à travers ce que les sunnites en ont raconté. La véracité de cette légende n’a pas été prouvée de façon irréfutable, mais les haschischins sont les inspirateurs de l’image moderne de l’assassin et l’influence d’Hassan ibn al-Sabbah dans la région favorisa la diffusion de cette légende et ainsi permit de faire trembler les bases même du pouvoir séculier qui l’entourait.
Une doctrine et un puissant mysticisme..
Comme on vient de le voir la doctrine d’Hassan ibn al-Sabbah fondateur de l’Ordre des Haschischins est « Partout où tu iras, tu diras que désormais il n'y a plus qu'un seul maître à Alamut et qu'il se nomme Hassan, fils de Sabbah. Tu diras au Sultan et au Grand Vizir, aux gouverneurs et aux militaires que moi, Hassan Sabbah, je viens de constituer un ordre nouveau et purificateur de soldats de la foi, au service du Tout-Puissant. »10
Pour cela, Hassan Ibn Al Sabbah, de se doter d’un repaire, un « nid d’aigle » en la forteresse d’Alamut, nord de l’Iran actuel, dans les montagnes d’Elbourz, dans une zone quasi-inaccessible située près de la mer caspienne.
Leurs activités quotidiennes principales reposent sur un intense endoctrinement et un entraînement physique extrême. C’est sur la doctrine du ta’lîm selon laquelle le sens véritable du Coran va au-delà du sens littéral manifeste et dépassait l’entendement commun. La mort est pour eux un cadeau du Maître qui les délivrerait du monde d’ici-bas afin de rejoindre le paradis.
Les Assassins s’adonnaient à toutes sortes d’exercices physiques, en préparation des missions qu’ils reçoivent de leur Maître. Ils apprenaient aussi à manier les armes et à défendre leur forteresse en cas de siège. Selon ces préceptes, les Assassins vouent un culte absolu et une soumission exemplaire à leur maître, pratiquant l'art du crime avec passion, patience et raffinement. Hassan Ibn Al Sabbah a inventé l'une des machines à tuer les plus redoutables de l'Histoire en éliminant par le poison et le fer tous les califes qu'il comptait parmi ses ennemis.
La stratégie de terreur repose sur l’assassinat spectaculaire, l’infiltration et la superstition. L’histoire raconte qu’un novice est admis à voir le Maître qui lui demande alors s’il est prêt à recevoir le paradis. Le novice répond que oui, reçoit alors un poignard et le nom d’une cible à éliminer. La méthode exige que l’acte soit le plus spectaculairement possible et une telle opération exige minutie et préparation. « Frapper les esprits », semer la terreur, traumatiser l’assistance, faire croire, faire circuler une quantité incroyable de légendes à la fois terrifiantes et hagiographiques sur eux, telle fut l’autre stratégie des Assassins.
Une fin et une légende persistante...
Le règne de la société d'Hassan Sabbah, qui mourut en 1124 à l'âge de quatre-vingt-dix ans, puis de ses successeurs, dura près de soixante-quinze ans. Formant un État au sein de l'État, désorganisant par leurs actes terroristes l'Empire musulman, les ismaéliens étaient les ennemis naturels de tous les princes qui entrevoyaient, telle une épée de Damoclès, un poignard invisible suspendu en permanence au-dessus de leur tête.
Leur royaume de terreur s'étendait bien au-delà des frontières de la Perse, de la Syrie, de la mer Caspienne jusqu'à la Méditerranée. Les califes étaient dans l'obligation de verser de fortes rançons pour espérer avoir la vie sauve.
Mais peu à peu, les armées des Assassins furent anéanties, et les principales forteresses démolies. Seule celle d'Alamut demeure encore en place. Si les Assassins jamais plus ne sévirent, l'ismaélisme nizârite ne disparut pas pour autant, car de nombreux affidés purent se réfugier dans la péninsule indienne et de nos jours bien qu’ils ne constituent qu’une branche très minoritaire de l’Islam comptant 15 et 25 millions de croyants.
Le prince Aga Khan en est le 49e imam, chef spirituel très lointain et pacifique descendant de la société initiatique fondée par le « Vieux de la Montagne ». Ce dernier, multimillionnaire diplômé de l’université d’Harvard, est surtout connu comme un philanthrope engagé dans des œuvres sociales et des campagnes visant à promouvoir l’histoire et la civilisation islamique.
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1 The Oxford English Dictionary, Volume I, Oxford, Clarendon, 1933, p.499.
2 Lindsay PORTER, Assassinat – une Histoire du meurtre politique, Paris, Acte Sud, 2010 p.8.
3 Marco POLO, Devisement du monde ou Livre des Merveilles, Récit de voyage, 1299, Manuscrit copié à Paris, vers 1410-1412
4 Houris sont les vierges du Paradis musulman, selon les écrits coraniques.
5 Marco POLO, op.cit
6 Vladimir Bartol, Alamut, Ed. Phébus, Paris 1988
7 Nouvel Abrégé de l’Histoire des Croisades : Henri, Comte de Champagne, et le Vieux de la Montagne.
8 La secte des Assassins ou l’expérience politico-religieuse de Hassân es-Sabbah
9 Histoire universelle de Cesare Cantù
10 Bernard LEWIS, Les assassins : terrorisme et politique dans l’Islam médiéval, Ed. Complexe, 2001