La libération de Paris n’est pas un objectif des Américains qui ont débarqué en juin 1944 en France, qui veulent rallier Berlin et l’Est le plus rapidement. Mais le déclenchement de l’insurrection parisienne, dés le 19 août change la donne. Tout au long de l'été, l'agitation populaire et patriotique a gagné la capitale (manifestations, grèves des cheminots, postiers, policiers), ce qui va conduire à l’entrée de la 2ème DB du général Leclerc et à la capitulation le 25 août 1944, après la reddition de von Choltitz.
Du début de l’insurrection parisienne à la Libération de Paris, du 19 au 25 août 1944, la Capitale est libérée par l'action conjuguée de la police parisienne, des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) levées dans la capitale par Rol-Tanguy et de la 2ème division blindée du Général Leclerc. La reddition des Allemands et ainsi la libération de Paris (25-26 août 1944) constitue une étape majeure de la libération de la France. Par-delà ses aspects militaires, l’événement comporte aussi une dimension politique décisive pour le général de Gaulle et le gouvernement provisoire qu’il préside.
Sans attendre les Alliés, Paris se soulève pour se libérer du joug allemand, le 19 août, la Résistance donne l'ordre de mobilisation. L'insurrection n'est pas programmée et n’est pas sans risques. A l’appel des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) dominées par les communistes avec à leur tête le colonel Rol-Tanguy, les barricades fleurissent dans la Capitale, les escarmouchent se multiplient et les tireurs s’embusquent. L’insurrection est lancée. Sur l’île de la Cité, 2000 policiers se sont emparés de la Préfecture de Police, hissant le drapeau tricolore. De plus, ils se sont ainsi saisi des armes stockées.
Pour les Américains, la libération de Paris n'est pas un objectif stratégique : la stratégie d'Eisenhower vise à détruire le gros de l'ennemi, non à s'emparer des villes coûte que coûte. De plus, les Etats-Unis souhaitent repousser à plus tard le problème épineux que pose l'installation dans la capitale du chef du Gouvernement provisoire, le général de Gaulle, qu'ils se refusent à reconnaître.
De son côté, le général de Gaulle, chef de la France libre, a compris que la force du symbole dépasse de très loin l’enjeu militaire. Non seulement la Ville lumière doit être prise, mais elle doit l’être par des troupes françaises ! Il s’en est soucié dès 1943, désignant le général Leclerc, chef de la 2e DB (division blindée), pour libérer la capitale. De Gaulle redoute une insurrection non contrôlée qui pourrait provoquer un bain de sang et permettre l'installation d'une Commune dirigée par les communistes et insiste auprès d’Eisenhower qui cède, dans l’après-midi du 22 qui ordonne au général Bradley, principal chef de l’US Army sur le front ouest, de lancer deux unités sur Paris, la 4e division d’infanterie américaine et, surtout, la 2e division blindée française, dirigée par le général Leclerc.
Si l’ordre du Général de Gaulle est clair : « ordre d’opération" du jour, premièrement, s’emparer de Paris. » en ce matin du 24, les troupes de libération se trouvent confrontées à la résistance allemande qui est plus forte que prévue. Von Choltitz a placé le gros de ses forces dans la banlieue sud-ouest, pour y freiner les Alliés. Le général Leclerc trépigne… et envoie, dans la soirée, un petit avion, larguer sur la préfecture de police le message : « Tenez bon, nous arrivons ! »
Dans le même temps, le Général Leclerc ordonne au capitaine Raymond Dronne, suivi par 150 hommes, dont une majorité de républicains espagnols, de rallier la capitale qui parcourt la dizaine de kilomètres qui le sépare de Paris, puis rejoint l’Hôtel de Ville. A 21 h 30, le capitaine est reçu par Georges Bidault, le successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil national de la Résistance. Se rencontrent alors les deux branches armées de la France résistante, celle de l’intérieur (le Conseil national de la Résistance, les FFI…) et celle de l’extérieur (la France libre de de Gaulle). La radio, tombée aux mains des résistants, annonce la nouvelle. Les cloches de la ville sonnent à la volée. Paris va être libéré du joug allemand, ce n’est plus qu’une question d’heures.
Au matin du 25 août, les soldats de la 2e division blindée au complet pénètrent dans Paris, divisés en trois groupements : ceux des colonels Billotte et Dio arrivent par le sud, et celui du colonel Langlade par la porte de Saint-Cloud, à l’ouest. Les hommes de Leclerc ont la lourde tâche de reprendre le contrôle des grands axes et de mener l’assaut contre les points d’appui allemands. Dans un soulèvement de joie, Paris ouvre ses portes aux Alliés attendus depuis si longtemps. Les dernières balles claquent. Les dernières victimes s’affaissent. Tandis que les Allemands fuient ou sont faits prisonniers, les voitures et les blindés de Leclerc entrent avec fracas dans la capitale. On compte les avancées et les prises des principaux "symboles" : vers midi, le drapeau tricolore flotte sur la tour Eiffel, et à 13 heures, sous l’arc de Triomphe.
A 14h35, les lieutenants Karcher et Franjoux, de la 2ème DB, pénètrent dans le hall de l'hôtel Meurice et capture le général von Choltitz qui a accepté de se rendre. Le général en déroute est mené à la préfecture de police où Leclerc le reçoit dans la salle de billard, entouré de Chaban-Delmas, Rol-Tanguy, et quelques autres. Le cessez-le-feu est signé par les généraux Leclerc et von Choltitz, actant la capitulation des troupes nazies à Paris. De Gaulle en rêvait depuis quatre ans, Paris est libéré…
Acte signé de Reddition de la Garnison allemande de Paris, par les généraux Leclerc et von Choltitz
Le Général de Gaulle, chef du Gouvernement Provisoire de la République Française fait son entrée dans Paris le 25 août par la porte d'Orléans, à bord d'une Hotchkiss noire découverte, sous les vivats de la foule amassée le long de la route. Il rejoint d'abord la gare Montparnasse, où le Général Leclerc a reçu la capitulation du Commandant des forces allemandes de Paris. Mais lorsqu’il découvre l’acte de capitulation, qui sur lequel figure la signature de Rol-Tanguy, le chef communiste des FFI, sur l’insistance de Kriegel-Valrimont, il a un mouvement d’humeur, objectant que c’était contraire à la hiérarchie et grommelle de Gaulle : seul le nom de Leclerc, officier le plus élevé en grade, nommé au préalable gouverneur militaire par intérim de Paris, doit figurer sur l’acte. Mais il reconnaît le rôle des FFI et félicite ChabanDelmas et Rol.
Le général de Gaulle retrouve son bureau au ministère de la Guerre, rue Saint-Dominique, qu’il a quitté en juin 1940, œuvrant à la continuité de l’État. Puis se rend à l’Hôtel de Ville et y prononce une allocution improvisée qui reste dans les mémoires, où se trouvent les représentants de la Résistance, journalistes et reporters, parmi lesquels la voix de Londres, Maurice Schumann : « Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré, Paris libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France. »
Intégral du discours de la Libération de Paris du Général de Gaulle, prononcé à l'Hôtel de Ville de Paris, le 25 août 1944
Le lendemain, 26 août 1944, dans un Paris en liesse, fière d’être enfin libre, le Général de Gaulle défile, à la tête des troupes libératrices, sur les Champs-Elysées, de l'Etoile à la Concorde, au milieu d'une foule considérable. Le général rend hommage au Soldat inconnu sous l’Arc de triomphe, salue la 2e DB de Leclerc, puis entame sa descente des Champs, suivi d’un cortège hétéroclite de résistants et de futurs dignitaires de l’Etat restauré, civils et militaires, au milieu du peuple euphorique. Le général de Gaulle décrira cette liesse, dans ses Mémoires de Guerre : « Ah ! C’est la mer ! Une foule immense est massée de part et d’autre de la chaussée. Peut-être 2 millions d’âmes. Les toits aussi sont noirs de monde. A toutes les fenêtres s’entassent des groupes compacts, pêle-mêle avec des drapeaux. Des grappes humaines sont accrochées à des échelles, des mâts, des réverbères. Si loin que porte ma vue, ce n’est qu’une houle vivante, dans le soleil, sous le tricolore ».
La libération de Paris a un impact considérable dans le monde. La nouvelle donne lieu dès les 25 et 26 août à des scènes de joie à Londres, à New York, au Canada, en Amérique Latine, au Moyen-Orient… et même dans le camp de concentration allemand de Buchenwald, où les prisonniers chantent "La Marseillaise" ! Dans le symbole, d’abord : les scènes de joie des Parisiens incarnent la fin du joug nazi en Europe de l’Ouest. Dans la politique, ensuite, par la victoire de la Résistance. Et par le sacre populaire de son chef, de Gaulle. Pour les autorités françaises, la libération de Paris constitue une véritable réussite. Sur le plan militaire, la libération est obtenue sans destruction de la capitale, les forces françaises (FFI, 2e DB) y ont joué un rôle de premier plan. Même si le bilan humain est important avec la mort de 28 officiers et 600 soldats de la 2è DB, 3 200 soldats allemands et les pertes civils et FFI sont de 1500 à 7000, selon les estimations.
Sur le plan politique, ensuite, l’installation du gouvernement provisoire et de son chef à Paris entraîne, de fait, la disparition du régime de Vichy (le maréchal Pétain, se trouve alors en Allemagne au château de Sigmaringen) ; même si la reconnaissance officielle du GPRF par les États-Unis n’est cependant effective que le 23 octobre 1944, suivra alors celles des Britanniques et des Soviétiques. Et enfin, sur le plan des relations avec les Alliés, cette prise de pouvoir et la consécration populaire qui l’accompagne écartent définitivement le projet anglo-américain d’administration militaire de la France (l’AMGOT - Allied Military Government of Occupied Territories - prévoyait notamment un corps d’officiers américains formés aux fonctions d’administrateurs et une monnaie imprimée aux États-Unis).