En 1945, les États-Unis deviennent à partir de la Seconde Guerre mondiale, une superpuissance mondiale. En 1947, le président Truman va mettre en place une doctrine d’endiguement contre son nouvel ennemi les communistes. Dans l’Europe en reconstruction, cette nouvelle doctrine va se traduire par une aide matérielle et militaire, le plan Marshall.
Durant les prémices de la Guerre froide, Est et Ouest ont décrit le monde selon leurs convictions idéologiques et ces visions opposées ont dicté les politiques internationales respectives des belligérants. De 1945 à 1991, une guerre froide ponctuée de périodes de détente oppose les Etats-Unis à l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), chacun voulant imposer son modèle au reste du monde.
De plus, depuis 1944, le Dollar américain est la seule monnaie de référence, puisque les monnaies européennes se sont effondrées au cours de la guerre. Les accords de Bretton Woods sont signés en 1944 à l’instigation des États-Unis et confirment l’hégémonie du dollar et de ce fait le met au centre du nouveau système monétaire mondial, ainsi que l’émergence du Fonds Monétaire International (FMI). L’Amérique de l’après Seconde Guerre mondiale est la grande gagnante du conflit. En effet, le poids économique des États-Unis est considérable, avec une économie en pleine croissance. Cette réussite économique est due à l’effort de guerre des américains par la vente d’armes aux alliés et par les prêts consentis. Ainsi, au lendemain de la guerre, les Etats-Unis possèdent 66 % des réserves d’or mondiales et 50 % de la production industrielle.
L'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) rompt la Grande Alliance dès 1946, inquiète de voir les États-Unis promouvoir la démocratie et l’économie libérale. Le Président Truman prend acte du fait et construit la nouvelle idéologie américaine autour du refus d’un monde libre des soviétiques. Ce que le Premier ministre britannique Winston Churchill appela « le rideau de fer » dans son discours du 5 mars 1946, devant les étudiants de Fulton dans le Missouri, au cours duquel le vieux lion, jeune retraité de 72 ans, proclama la célèbre phrase : « De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l'Adriatique, un rideau de fer s'est abattu sur le continent », partageant l'Europe en deux camps hostiles. Dans cette atmosphère internationale tendue, le président Truman rompt avec la politique de son prédécesseur Franklin D. Roosevelt et redéfinit les grandes lignes de la politique extérieure des États-Unis.
Dans ses mémoires, Harry Truman écrivit : « Nous avions livré une guerre longue et conteuse pour écraser le totalitarisme d'Hitler, l'insolence de Mussolini et l'arrogance des seigneurs de guerre japonais. Pourtant la nouvelle menace qui se dressait devant nous paraissait tout aussi grave que l'avait été celle de l'Allemagne nazie et de ses amis. Le moment était venu de ranger délibérément les États-Unis d'Amérique dans le camp et à la tête du monde libre. »
Un an plus tard, la Guerre froide conduit les dirigeants des États-Unis à redéfinir la politique étrangère du pays. Harry Truman va poser une politique d’endiguement contre les alliés d’hier afin de contenir l'expansion du communisme par tous les moyens. Le président Truman, le 12 mars 1947, demande au Congrès d'accorder une aide économique et financière à la Grèce, victime de lourdes destructions durant la Guerre mondiale et aux prises avec une guerre civile, ainsi qu'à la Turquie, considérée comme la pièce maîtresse dans la région, voici la mise en place de la doctrine Truman. Le Président Truman place cette demande dans le contexte global de la lutte entre deux types de sociétés. Sans nommer l'Union soviétique, il dénonce la violation des accords de Yalta et expose une théorie des dominos : si l'Amérique n'aide pas la Grèce, les pays voisins tomberont les uns après les autres. C'est ce que l'on appellera la politique de containment, inspirée par George Kennan. Quelques semaines plus tard, le 5 juin, c'est le général Marshall qui est chargé de proposer une aide économique à l'ensemble de l'Europe, le plan Marshall.
Concrètement, la doctrine Truman, ou politique d'endiguement, repose sur une offre d'assistance militaire et financière de la part des États-Unis, s'adressant aux pays décidés à s'opposer aux pressions communistes. Dans l'immédiat après-guerre, elle a porté ses fruits en Europe, avec en particulier le « plan Marshall » qui concernait des pays comme la Grèce en guerre civile, la Turquie soumise à d'intenses pressions de Moscou concernant les Dardanelles, ou encore l'Iran en pleine crise irano-soviétique. La doctrine Truman est la base de la politique des États-Unis contre le Bloc communiste durant la Guerre Froide, qui peut être résumé par cet extrait du discours d’Harry Truman : « Je crois que les États-Unis doivent soutenir les peuples libres qui résistent à des tentatives d'asservissement (…). Je crois que nous devons aider les peuples libres à forger leur destin (...). Je crois que notre aide doit consister essentiellement en un soutien économique et financier. (…) de maintenir la liberté des États du monde et à les protéger de l'avancée communiste. »
Dorénavant, il n’est plus question pour les Etats-Unis de jouer la carte de l’isolationnisme, mais bien au contraire de rester le défenseur du monde libre, et pour cela, deux actions vont accompagner cette doctrine, un plan pour restaurer l'Europe et une organisation pour la protection militaire.
Discours du Président Truman au Congrès des Etats-Unis, exposé de la Doctrine Truman 12 March 1947
À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, Georges Marshall, secrétaire d'État américain, propose un plan pour restaurer l'Europe.
Dans un discours prononcé le 5 juin 1947, à l'université de Harvard :
« Il est logique que les États-Unis fassent tout ce qui sera en leur pouvoir pour contribuer au retour de conditions économiques normalement saines dans le monde […] Notre politique n'est dirigée ni contre un pays ni contre une doctrine, mais contre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos. [...] L'initiative, je le pense, doit venir d'Europe. […] Le programme devra être un programme commun, accepté par un certain nombre, sinon par la totalité des nations européennes. »
Les États-Unis estiment en effet qu'il est urgent d'apporter une aide économique à l'Europe afin d'endiguer l'expansion soviétique et d'éviter que des conditions matérielles désastreuses ne poussent de nouveaux pays dans les bras de l'URSS.
Le plan Marshall est l'arme économique avec laquelle les Américains entendent rallier l'Europe, une aide financière assortie de conditions d'achat de produits américains. En appliquant la doctrine d’endiguement, les Américains encouragent, entre autres, la Turquie à rejeter les revendications soviétiques concernant la cession de bases navales au détroit du Bosphore et ils obtiennent le retrait des troupes russes d’Iran. Ainsi, des crédits d'environ 400 millions de dollars seront ainsi accordés à la Grèce et la Turquie. Cette nouvelle doctrine légitimera l’activisme des États-Unis pendant la guerre froide. Les États-Unis demandaient aux États acceptant l'aide plusieurs contreparties ; d'abord que les pays européens coordonnent les dépenses de reconstruction au sein de l'OECE. Les Américains ont ainsi contribué à la coopération européenne, prélude à la construction européenne. Et ensuite, les États-Unis exigèrent que l'argent serve à acheter des produits de l'industrie américaine. Au total, le plan Marshall représente 13 milliards de dollars (l'équivalent de 150 milliards d'euros aujourd'hui) de prêts, mais surtout de dons, en nature ou en argent. La Grande-Bretagne, qui en récupère 26 %, et la France qui en récolte 23 %, en sont les principaux bénéficiaires.
Discours du Général Georges Marshall, Université d'Havard, 5 juin 1947
Entre 1947 et 1951, les États-Unis consacrent plus de treize milliards de dollars de l'époque (dont onze milliards en dons) au rétablissement de 16 pays européens en réponse à l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE, aujourd'hui l'OCDE). Le montant total de l'aide correspond à 100 milliards de dollars actuels, soit environ 4% du PNB pendant cinq ans. Selon André Fontaine, c'est de ce mois de juillet 1947 que date la division de l'Europe : « D'un côté, des clients de l'Amérique, de l'autre les satellites soviétiques. » Le plan Marshall s'adressait à l'ensemble des pays européens, mais les pays contrôlés par l'Union soviétique furent contraints de le refuser. Car de son côté, Staline impose aux pays de l'Est de refuser cette aide, craignant que le plan Marshall ne serve à conquérir le glacis de sécurité de l'URSS. Un pas de plus est franchi dans la guerre froide.
Ce plan permettrait un développement économique européen qui fut à la base des Trente Glorieuses. Mais le plan Marshall est, au plan économique ceux que l’Organisation du traité de l'Atlantique nord est au plan politico-militaire ; pour le président américain Truman, ces deux entités sont « comme les deux doigts de la main ». Avec le plan Marshall, le principe de la défense collective prônée par le biais de l’OTAN contribue à maintenir une certaine stabilité sécuritaire, ce qui favorise l’instauration d’un modèle démocratique et de la croissance économique. La reconstruction européenne, relativement rapide, fut largement stimulée par l'aide américaine.
Dans les années 1950, la guerre de Corée vient confirmer la pensée stratégique face aux ambitions soviétiques de domination politique et territoriale. Ce qui permet alors une prise de conscience accrue qui contribue à un développement de la structure pour la mise en œuvre d’engagement en faveur d’une défense commune. La contribution militaire nord-américaine consiste à protéger l’Europe de la menace soviétique, ce qui a pour conséquence, d’engendrer une stabilité politique et économique qui sert de socle à la coopération économique des deux continents et à l’intégration de l’Europe comme telle.