Héros, militaire, grand résistant et auteur, le bordelais Hélie Denoix de Saint Marc est décédé ce matin 26 août 2013 à l'âge de 91 ans à La Garde-Adhémar, dans la Drôme. Officier parachutiste de la Légion étrangère et ancien résistant français, il est l'un des principaux acteurs du Putsch des Généraux en 1961.
Élevé au collège Tivoli à Bordeaux, ce dernier était une des grandes figures de l’armée française. Résistant dès mars 1941 dans le réseau Jade-Amicol, il est trahi et arrêté en juillet 1943 à Perpignan. Déporté à Buchenwald puis à Langenstein, il est libéré d'extrême justesse, inconscient et squelettique, parmi les 30 survivants d'un convoi de 1.000 déportés. De cette période, il dira : « En rentrant en France, j'ai trouvé un pays matérialiste, pressé de jouir de la vie et d'oublier les armes, qui ne voulait plus entendre parler de ceux qui s'étaient battus et de ceux qui avaient souffert dans les camps ».
Il saisit l'offre faite aux anciens résistants d'entrer à Saint-Cyr. Engagé dans la Légion étrangère, il s'envole en 1948 pour l'Indochine où il découvre la guerre « horreur du monde rassemblée dans un paroxysme de crasse, de sang, de larmes ».
Célèbre pour avoir refusé de trahir ses hommes et d’abandonner les harkis pendant la guerre d’Algérie en 1961, Hélie de Saint Marc avait participé au putsch des généraux à Alger, Commandant par intérim du 1er régiment étranger de parachutistes (REP), il cède aux arguments du général Challe et participe à la prise d'Alger. Le putsch fait long feu.
Le 1er REP est dissous et l'officier de 39 ans, marié et père de deux filles encore bébés, est condamné à dix ans de réclusion. Il fût gracié le 25 décembre 1966. « C'était ma deuxième détention. Sans trop savoir pourquoi, j'ai pensé à un sandwich. J'étais un homme entre deux couches de prison », raconte-t-il dans L'aventure et l'espérance.
Auteur reconnu, mais méconnu à la fois, ses Mémoires, Les Champs de braises, furent couronnés en 1996 par le Femina essai, prix décerné par un jury de romancières. Après des années de mutisme sur l'Indochine ou l'Algérie, le succès de ses livres témoigne de la curiosité croissante pour ces conflits. Le même thème nourrit d'ailleurs "L'art français de la guerre", dernier prix Goncourt du Lyonnais Alexis Jenni, que l'octogénaire "s'est promis de lire".
À 89 ans, il est fait grand-croix de la Légion d'honneur, le 28 novembre 2011, par le président de la République, Nicolas Sarkozy, commentant cette cérémonie, il disait d'une voix où perçait une modestie un brin persifleuse: « La Légion d'honneur, on me l'a donnée, on me l'a reprise, on me l'a rendue…»
Attendant la fin, il confiait récemment avec un détachement de vieux sage: «La semaine dernière, la mort est encore passée tout près de moi. Je l'ai tout de suite reconnue: nous nous sommes si souvent rencontrés.»
Article publié sur le Média Networkvisio.com le 26/08/2013.
« QUE DIRE A UN JEUNE DE 20 ANS »
par Hélie de Saint Marc
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Quand on a connu tout et le contraire de tout,
quand on a beaucoup vécu et qu’on est au soir de sa vie,
on est tenté de ne rien lui dire,
sachant qu’à chaque génération suffit sa peine,
sachant aussi que la recherche, le doute, les remises en cause
font partie de la noblesse de l’existence.
Pourtant, je ne veux pas me dérober,
et à ce jeune interlocuteur, je répondrai ceci,
en me souvenant de ce qu’écrivait un auteur contemporain :
«Il ne faut pas s’installer dans sa vérité
et vouloir l’asséner comme une certitude,
mais savoir l’offrir en tremblant comme un mystère».
A mon jeune interlocuteur,
je dirai donc que nous vivons une période difficile
où les bases de ce qu’on appelait la Morale
et qu’on appelle aujourd’hui l’Ethique,
sont remises constamment en cause,
en particulier dans les domaines du don de la vie,
de la manipulation de la vie,
de l’interruption de la vie.
Dans ces domaines,
de terribles questions nous attendent dans les décennies à venir.
Oui, nous vivons une période difficile
où l’individualisme systématique,
le profit à n’importe quel prix,
le matérialisme,
l’emportent sur les forces de l’esprit.
Oui, nous vivons une période difficile
où il est toujours question de droit et jamais de devoir
et où la responsabilité qui est l’once de tout destin,
tend à être occultée.
Mais je dirai à mon jeune interlocuteur que malgré tout cela,
il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine.
Il faut savoir,
jusqu’au dernier jour,
jusqu’à la dernière heure,
rouler son propre rocher.
La vie est un combat
le métier d’homme est un rude métier.
Ceux qui vivent sont ceux qui se battent.
Il faut savoir
que rien n’est sûr,
que rien n’est facile,
que rien n’est donné,
que rien n’est gratuit.
Tout se conquiert, tout se mérite.
Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu.
Je dirai à mon jeune interlocuteur
que pour ma très modeste part,
je crois que la vie est un don de Dieu
et qu’il faut savoir découvrir au-delà de ce qui apparaît comme l’absurdité du monde,
une signification à notre existence.
Je lui dirai
qu’il faut savoir trouver à travers les difficultés et les épreuves,
cette générosité,
cette noblesse,
cette miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde,
qu’il faut savoir découvrir ces étoiles,
qui nous guident où nous sommes plongés
au plus profond de la nuit
et le tremblement sacré des choses invisibles.
Je lui dirai
que tout homme est une exception,
qu’il a sa propre dignité
et qu’il faut savoir respecter cette dignité.
Je lui dirai
qu’envers et contre tous
il faut croire à son pays et en son avenir.
Enfin, je lui dirai
que de toutes les vertus,
la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres
et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres,
de toutes les vertus,
la plus importante me paraît être le courage, les courages,
et surtout celui dont on ne parle pas
et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse.
Et pratiquer ce courage, ces courages,
c’est peut-être cela
«L’Honneur de Vivre»